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L'auteur du mois
  • Novembre 08
    • Joseph LE BARS 
      Joseph Le bars 1896 -1915 ; combattant de la Grande Guerre.

      La correspondance de Joseph Le Bars est exceptionnelle à plus d'un titre; elle relate les évènements qui ont conduit le jeune marin à participer à la campagne des Flandres où s'illustra la Brigade des Fusiliers Marins, Brigade dans laquelle il fut incorporé dès 1914, après deux ans de formation à l'école des Apprentis Mécaniciens de la Flotte à Lorient.

      Alors que l'armée allemande tentait de s'emparer des ports stratégiques de la mer du Nord et de la Manche en refoulant l'armée belge depuis Anvers, la Brigade des Fusiliers Marins de l'Amiral Ronarc'h fut appelée en octobre 1914 sur le front des Flandres pour tenter de ralentir l'avancée ennemie. C'est dans le contexte d'un choc titanesque et des pertes humaines effroyables qu'il faut situer le baptême du feu de Joseph Le Bars. Grâce à l'intervention de la Brigade, le front se stabilise sur l'Yser en novembre 1914 mais Ypres, Dixmude, Nieuport sont le théâtre de violents combats et marquent la fin de la guerre de mouvement. Désormais les deux armées ennemies vont s'enterrer en creusant des tranchées qui courent de la mer du Nord à la frontière suisse.

      Comme tous les jeunes hommes pour qui une guerre d'un "genre nouveau" constituait l'entrée dans la vie, Joseph Le Bars, originaire d'Esquibien (hameau de Cosquer-Bihan) n'eut que le courage, la foi et la fraternité à opposer à la barbarie.

      Ses lettres écrites depuis le front, dans la précarité des tranchées témoignent à la fois de l'insupportable attente et des déluges d'acier qui s'abattaient brutalement sur ces mêmes hommes. Ni les privations de toutes sortes, ni le danger constant ou le voisinage de la mort n'entammeront la foi du jeune homme en un combat juste et victorieux. Les lettres de Joseph Le Bars révèlent le patriotisme et le sens du sacrifice qui a prévalu dans les premiers temps de la guerre. Rappelons-nous le poète Charles Péguy, foudroyé par le feu des mitailleuses, la lorgnette à la main et refusant de se coucher en traversant un champ d'avoine pendant  la bataille de l'Ourcq le 5 septembre 1914.

      La lecture de ces quelques vers écrits par le poète traduisent son engagement et sonnent comme une prémonition:

      Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

      Dans la première argile et la première terre.

      Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre.

      Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés.

      Les lettres de Joseph Le Bars évoquent des faits qui s'inscrivent dans la trame de l'histoire avec un grand H. elles expriment le point de vue particulier d'un jeune combattant confronté à l'impensable déchaînement de violence, à la confusion des ordres reçus et à l'arbitraire du sort. Elles traduisent la peur, l'impuissance, la révolte mais jamais la désespérance et ceci pour plusieurs raisons: la détermination tout d'abord, qui valut à ces hommes inférieurs en nombre de stopper l'avancée allemande; mais aussi la foi en Dieu et en sa Providence et surtout la remarquable fraternité qui permit aux hommes d'endurer les pires misères.

      Notons également qu'à côté de cette prose nourrie de détails sur la guerre mais aussi de pensées nostalgiques liées aux travaux des champs et à la vie des proches restés au pays, c'est un autre aspect de son écriture que nous découvrons. En effet, Joseph Le Bars confia aux pages serrées du petit carnet noir qui ne le quittait pas, l'amour secret et les rêves immenses qu'il portait en lui : le lyrisme de ses essais poétiques le prouve. L'adversité et l'horreur du destin n'eurent pas  raison de sa quête du bonheur et de la beauté ; sans doute faut-il voir dans cette obstination de l'espoir que tout s'acharnait à détruire, un privilège de la jeunesse...

      Le 1er novembre 1915, Joseph Le Bars âgé de 19 ans fut atteint par un éclat d'obus à la poitrine ; sa dernière pensée exprimée alla à sa mère qu'il savait désormais seule au Cap Sizun avec un enfant trop jeune pour conduire la ferme. Quelques jours plus tard, la Brigade était dissoute ; le lourd bilan de ses pertes , soit 6500 hommes (l'équivalent de son effectif de départ) fut le prix à payer pour stopper la progression allemande dans la plaine des Flandres.

      "Enfin, je ferai mon devoir jusqu'au bout et le Bon Dieu fera le reste. Je le prie plus que jamais et mets ma vie entre ses mains".

      Joseph Le Bars, Dixmude, octobre 1914