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Textes
  • Le théâtre
    • Que dit J.M.SYNGE à propos du théâtre 
      Date : 25/03/2009
      Contact : Gérard Mével

      Ce qui fait qu'une pièce est sérieuse - au sens français du terme - ce n'est pas le degré d'importance qu'y prennent les problèmes sérieux en soi mais le degré d'importance qu'elle accorde à l'aliment, bien difficile à définir, dont se nourrit notre immagination. On ne devrait pas aller au théâtre comme on va à la pharmacie ou à l'assommoir, mais comme on se rend à un dîner, pour y prendre avec plaisir, avec entrain, la nourriture qui nous est nécessaire. Il en allait presque toujours ainsi en Espagne, en Angleterre et en France quand le théâtre était à son plus haut point de richesse - l'enfance et le déclin du théâtre tendent au didactisme - mais de nos jour ce qu'on trouve trop souvent dans les salles de théâtre, c'est le remède à maints problèmes de santé, ou encore l'absinthe et le vermouth de la dernière comédie musicale.

      Le théâtre pas plus que la synphonie, n'enseigne ni ne prouve quoi que ce soit. les hommes d'analyse avec leurs problèmes, les professeurs avec leurs systèmes, sont bien vite aussi démodés que la pharmacopée de Galien - voyez Ibsen et les Allemands - mais les meilleures pièces de Ben Jonson et de Molière ne passent pas plus de mode que les mûres sur les haies.

      De tout ce qui  nourrit l'imagination, l'humour est le plus indispensable, et il est dangereux de lui imposer des limites ou de l'anéantir. Baudelaire voit dans le rire le signe le plus clair de la présence en l'homme d'un élément satanique; et quand un pays perd son sens de l'humour, comme il advient en certaines villes d'Irlande, l'esprit cède à la morbidité, celle même de l'esprit de Baudelaire.

      Dans la plus grande partie de l'Irlande, cependant, le peuple tout entier, des rétameurs aux membres du clergé, a encore une vie, une conception de la vie, riche, pleine d'humour et de bonne humeur, je ne pense pas que ces gens de la campagne, qui ont eux-mêmes tant d'humour, prendront ombrage de ce qu'on rie d'eux sans méchanceté, comme on a ri de tout un chacun dans les comédies de tous les pays.

                                                                                                                                            John Millington SYNGE

                                                 Traduit de l'Anglo-Irlandais, par Françoise MORVAN

                                           Editions Les solitaires Intempestifs Théâtre complet de John Milligton SYNGE